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Révélation

 

 

Deux jours plus tard, la tempête de neige prédite par Morik se déclencha, toutefois sa furie fut quelque peu tempérée par la saison bien avancée, ce qui permit à la route de rester praticable. Avançant d’un pas lourd et prenant garde de ne pas quitter la piste, les deux cavaliers, Wulfgar en tête, progressèrent notablement, malgré les conditions météorologiques hostiles. Ils ne tardèrent ainsi pas à atteindre une région où l’on trouvait çà et là des fermes et des maisons en pierre. La tempête se révéla alors leur alliée ; peu de visages curieux se montrèrent derrière les fenêtres calfeutrées, tandis que sous la neige et enveloppés d’épaisses peaux de bêtes, les deux compagnons étaient difficilement reconnaissables.

Peu après, Wulfgar resta patienter, sous une saillie, à flanc de colline, tandis que Morik, alias le seigneur Brandebourg d’Eauprofonde, se dirigeait vers le village. La journée touchait à sa fin, alors que la tempête ne semblait pas vouloir se calmer, quand Wulfgar, ne voyant pas Morik revenir, quitta son abri pour se poster sur un point plus élevé, bénéficiant ainsi d’une vue sur le château d’Auck. Il se demandait si Morik avait été démasqué. Si tel était le cas, devait-il se précipiter pour essayer d’aider son ami ?

Wulfgar eut un léger rire ; il était plus vraisemblable d’imaginer que le voleur, sans doute resté au château pour y profiter d’un bon repas, était en ce moment même en train de se réchauffer devant une cheminée. La barbare regagna son abri et se mit à brosser son cheval en s’exhortant à la patience.

Enfin, Morik fit sa réapparition, avec une mine des plus sinistres.

— Je n’ai pas été accueilli par des embrassades, expliqua-t-il.

— Ton déguisement n’a pas tenu ?

— Ce n’est pas ça. Ils m’ont bien pris pour le seigneur Brandebourg mais, comme je l’avais redouté, ils ont trouvé étrange que je les aie quittés la nuit même de ta disparition.

Wulfgar hocha la tête ; ils avaient en effet déjà envisagé cette possibilité.

— Pourquoi t’ont-ils laissé repartir s’ils te soupçonnaient ?

— Je suis parvenu à les persuader qu’il ne s’agissait que d’une coïncidence en leur assurant que je ne serais dans ce cas jamais revenu à Auckney. Bien entendu, j’ai dû partager un long repas avec eux pour les convaincre.

— Bien sûr, convint Wulfgar, quelque peu sèchement. Et qu’en est-il de dame Méralda et son enfant ? L’as-tu vue ?

Morik ôta la selle de son cheval et commença à brosser l’animal, comme s’il se préparait à repartir.

— Il est temps pour nous de nous en aller, répondit-il, impassible. Loin d’ici.

— Que se passe-t-il ? s’enquit le barbare, maintenant réellement inquiet.

— Nous n’avons ici aucun ami, ni même aucune connaissance d’humeur à accueillir des visiteurs. Wulfgar, Morik et le seigneur Brandebourg ont tout intérêt à laisser ce ridicule petit fief loin derrière les queues de leurs chevaux.

Wulfgar se pencha et agrippa par l’épaule le voleur, qui s’activait toujours sur sa monture mais qu’il retourna brutalement vers lui.

— Et dame Méralda ? insista-t-il.

— Elle a accouché la nuit dernière, avoua à contrecœur Morik, tandis que Wulfgar ouvrait grands les yeux d’appréhension. La mère et l’enfant ont survécu. Jusqu’à maintenant.

Morik se dégagea et se remit à brosser son cheval avec une vigueur renouvelée. Comme il s’y attendait, il ressentit aussitôt le regard de son ami posé sur lui. Il poussa un soupir et se retourna.

— Écoute, elle leur a dit que tu l’avais violée, lui rappela-t-il. Il est plus que probable qu’elle cherche à couvrir une aventure. Elle a menti et t’a condamné pour cacher sa propre trahison.

Wulfgar, qui n’ignorait rien de tout cela, acquiesça encore.

Morik le scruta intensément, surpris de ne pas voir le barbare secoué par les implications de ces faits brutalement exposés, surpris de ne pas le voir éprouver de colère envers cette femme, à cause de qui il avait été frappé et avait échappé de peu à une exécution sommaire.

— Il y a cependant un doute au sujet du père de l’enfant, ajouta Morik. La naissance est intervenue trop tôt, si l’on considère la date de notre rencontre avec cette fille sur la piste, et nombreux sont ceux, au village comme au château, qui ne croient pas à sa version des faits.

— Je me doutais que les choses se dérouleraient ainsi, soupira Wulfgar.

— J’ai entendu parler d’un jeune homme qui s’est tué accidentellement, en chutant d’une falaise, le jour du mariage du seigneur Féringal et de Méralda. Il est mort en criant le nom de la mariée.

— Le seigneur Féringal croit que c’est avec lui que sa femme l’a trompé ?

— Pas forcément, répondit Morik. Mais puisque l’enfant a été à coup sûr conçu avant le mariage – cela aurait été le cas même s’il avait été de toi –, il sait que sa femme a couché avec un autre avant lui. Il se demande maintenant si elle n’a pas agi ainsi volontairement et non pas forcée sur la route.

— On ne peut rien reprocher à une femme violée, ajouta Wulfgar, pour qui tout s’expliquait.

— Tandis qu’une femme adultère…, conclut sombrement Morik.

Wulfgar poussa encore un soupir et sortit de l’abri pour observer le château.

— Que va-t-elle devenir ? demanda-t-il à Morik.

— Le mariage sera certainement annulé, répondit le voleur, qui avait suffisamment longtemps vécu dans des cités humaines pour maîtriser de tels problèmes.

— Et dame Méralda sera chassée du château, dit le barbare, avec espoir.

— Avec un peu de chance, elle sera bannie du domaine de Féringal Auck, sans argent ni titre.

— Et si elle n’a pas de chance ? s’enquit Wulfgar.

— On a déjà vu des femmes de nobles être exécutées pour de tels crimes, répondit en grimaçant le voleur, qui avait été témoin de tant de choses.

— Et l’enfant ? insista son compagnon, de plus en plus agité, tandis que des visions de ses propres affreuses expériences passées surgissaient aux recoins de sa conscience.

— Banni, avec de la chance. Mais je crains qu’il en faille beaucoup plus pour la répudiation de sa mère. Cette situation est très compliquée ; cet enfant constitue une menace pour le domaine des Auck mais aussi pour leur fierté.

— Ils assassineraient un enfant, un bébé sans défense ? grogna le barbare, les dents serrées, alors que ses épouvantables souvenirs se faisaient plus précis.

— Il ne faut pas sous-estimer la rage d’un seigneur trahi, expliqua Morik, avec un air sinistre. Le seigneur Féringal ne peut pas se permettre de faire preuve de faiblesse sans risquer de perdre le respect de son peuple ou même ses terres. Cette affaire est aussi compliquée que détestable. Allez, partons d’ici, maintenant.

Wulfgar était en effet déjà parti ; il avait quitté l’abri comme une furie et dévalait la piste.

— Que vas-tu faire ? lui demanda Morik, qui connaissait bien cet air déterminé, quand il l’eut rattrapé.

— Je n’en sais rien, mais je dois agir, lui répondit son ami, qui accélérait l’allure à mesure que son agitation grandissait, tandis que Morik luttait pour suivre son rythme.

La tempête les aida aussi quand ils firent leur entrée dans le village, où ils ne croisèrent pas le moindre paysan, alors que les yeux de Wulfgar étaient rivés sur la passerelle qui conduisait au château d’Auck.

 

* * *

 

— Séparez-vous de l’enfant, comme vous en aviez convenu, suggéra Témigast au seigneur Féringal, qui faisait les cent pas.

— La situation n’est plus la même, balbutia le jeune homme, tout en se frappant les poings sur les côtés, trahissant ainsi son impuissance.

Il jeta un regard à sa sœur, qui, confortablement assise, lui adressa un sourire suffisant, comme pour lui rappeler qu’elle l’avait dès le début dissuadé d’épouser une paysanne.

— Nous n’en savons rien, dit l’intendant, éternelle voix de la raison.

— Ne savez-vous donc pas compter ? grogna Priscilla.

— Cette enfant est peut-être née en avance, se défendit Témigast.

— Je n’ai jamais vu de bébé aussi bien formé. Cette fillette n’est pas une prématurée et vous le savez très bien, Témigast. (Elle se tourna vers son frère et répéta ce qui se disait dans tout le château d’Auck depuis le début de la journée :) Elle a été conçue au milieu de l’été. Bien avant cette prétendue agression sur la route.

— Comment pourrais-je en être certain ? se lamenta le seigneur Féringal, les mains crispées sur son pantalon, ce qui reflétait fidèlement son esprit torturé.

— Comment peux-tu ne pas le savoir ? rétorqua Priscilla. Les habitants du village se moquent tous de toi en riant. Vas-tu en plus leur donner l’occasion de se gausser de ta faiblesse ?

— Vous l’aimez toujours, l’interrompit l’intendant.

— Vraiment ? dit Féringal, clairement meurtri et perturbé. Je n’en sais plus rien.

— Chassez-la, dans ce cas, suggéra le vieil homme. Bannissez-les, elle et son enfant.

— Les villageois n’en riraient que davantage, fit remarquer avec aigreur Priscilla. Tiens-tu à voir l’enfant revenir dans une vingtaine d’années et te voler ton domaine ? Combien de fois avons-nous eu vent de telles histoires ?

Témigast observa la sœur de son maître ; si de tels cas de figure s’étaient bel et bien produits, ils n’en restaient pas moins rarissimes.

— Que dois-je faire, alors ? demanda le seigneur Féringal.

— Intenter un procès pour trahison à cette traînée, répondit tranquillement Priscilla. Puis enlever sans tarder le résultat de son infidélité.

— Enlever ? répéta Féringal, saisi d’un doute.

— Elle veut que vous tuiez l’enfant, expliqua sans ménagement Témigast.

— Jette-la dans les vagues, supplia fébrilement Priscilla en se levant de son fauteuil. Si tu te montres fort dès maintenant, le peuple continuera à te respecter.

— Les villageois vous haïront plus encore si vous assassinez un bébé innocent, intervint, furieux, l’intendant, dont la colère visait davantage Priscilla que son maître.

— Innocent ? aboya celle-ci, comme si cette idée était risible, avant d’approcher son visage à quelques centimètres de celui de son frère. Laisse-les te haïr. Mieux vaut cela plutôt qu’ils se moquent de toi. Vas-tu tolérer l’existence de cette bâtarde ? De cette enfant, qui te rappellera chaque jour celui qui a couché avant toi avec Méralda ?

— Tais-toi ! cria le seigneur Féringal en repoussant sa sœur.

Priscilla ne s’avoua pas vaincue :

— Oh ! Comme elle a dû bien roucouler dans les bras de Jaka Sculi… (Alors que Féringal tremblait tant qu’il fut incapable d’articuler un mot à travers ses dents serrées, elle conclut, de façon grivoise :) Je parie qu’elle n’a pas hésité longtemps avant de se cambrer sous son étreinte.

Après avoir bégayé quelques sons bestiaux, le jeune noble agrippa à deux mains sa sœur par les épaules et l’écarta sur le côté. Priscilla ne cessa pas une seconde de sourire, satisfaite de voir son frère enragé passer devant Témigast et se précipiter vers l’escalier. Ces marches menaient à Méralda et sa bâtarde.

 

* * *

 

— Il est gardé, tu sais ! cria Morik, même si sa voix était presque inaudible dans les bourrasques de vent.

Wulfgar n’aurait de toute façon pas tenu compte de cet avertissement ; les yeux rivés sur le château d’Auck, il avançait droit vers le pont, songeant aux monts enneigés de l’Épine dorsale du Monde, symbole à ses yeux de la barrière qui séparait l’homme qu’il avait autrefois été de la victime qu’il était devenu. Désormais, l’esprit enfin libéré de l’influence de l’alcool et sa force de volonté étant devenue une véritable armure face aux affreuses visions de son emprisonnement, Wulfgar discernait clairement les choix qui s’offraient à lui. Il pouvait faire demi-tour et retrouver la vie qu’il avait récemment connue ou bien il pouvait aller de l’avant, franchir cet obstacle émotionnel, se battre et se frayer à coups de griffe un chemin, jusqu’à redevenir celui qu’il avait été longtemps auparavant.

Grognant et fendant la tempête de neige, le barbare alla même jusqu’à accélérer quand il atteignit la passerelle, adoptant une marche rapide, puis trottant et enfin courant à toutes jambes. Il tourna ensuite sur la droite, où la neige s’était accumulée le long de la rambarde et contre le mur d’enceinte du château. Wulfgar escalada la congère, s’enfonçant jusqu’aux genoux dans la neige, sans pour autant perdre son élan, labourant la masse glacée sans cesser de gronder. Du sommet de ce monticule, il bondit, un bras tendu, et parvint à accrocher la tête de son marteau au sommet de la muraille. Il entendit des cris de surprise, de l’autre côté, quand l’arme s’abattit lourdement sur la pierre, mais cela ne le ralentit pas ; ses muscles massifs se contractèrent davantage et le propulsèrent vers le haut de l’enceinte, qu’il franchit en roulant sur lui-même, avant de glisser par-dessus les créneaux. Il se réceptionna lestement sur ses pieds sur le chemin de ronde situé juste derrière, précisément entre deux gardes abasourdis, dont aucun ne portait d’arme, car tous deux étaient occupés à tenter de se réchauffer les mains.

Morik emprunta le même chemin que Wulfgar et gravit le mur en souplesse, presque aussi rapidement que son ami, qui était lui passé en force. Le barbare avait déjà posé le pied dans la cour et filait vers la tour principale quand le voleur se présenta sur le chemin de ronde. Quant aux deux gardes, ils étaient tous deux également descendus d’un niveau, l’un se frottant la mâchoire et l’autre recroquevillé, les mains sur le ventre.

— Verrouillez la porte ! parvint à crier l’un de ces soldats.

La porte principale s’ouvrit sur un homme, qui jeta un rapide coup d’œil à l’extérieur avant d’essayer de la claquer. Wulfgar s’interposa à temps pour l’en empêcher et poussa le battant de toutes ses forces. Il entendit l’homme appeler à l’aide, puis il sentit une plus forte résistance quand un autre garde vint rejoindre son collègue.

— J’arrive ! s’écria Morik. Même si seuls les dieux savent pourquoi !

Les pensées perdues ailleurs, en un lieu sombre et enfumé, où le dernier cri terrifié de son enfant déchirait l’air, Wulfgar n’entendit pas son ami, dont il n’avait d’ailleurs pas besoin. Sans relâcher son effort, il poussa un hurlement, jusqu’au moment où la porte céda, envoyant au passage les deux gardes voler comme des enfants contre le mur opposé de l’entrée.

— Où est-elle ? demanda Wulfgar.

C’est à cet instant précis que l’autre porte du vestibule s’ouvrit à la volée et laissa apparaître Liam Portenbois, armé d’une épée.

— Tu vas enfin payer, sale chien ! s’exclama le cocher, qui se jeta violemment en avant et fit mine de frapper.

Il retira soudain sa lame et la fit tournoyer, avant de simuler un coup sur le côté, pour finalement se fendre d’un redoutable coup direct.

Liam savait se battre ; il était le meilleur guerrier d’Auckney et il le savait, raison pour laquelle il eut tant de mal à comprendre comment le marteau de Wulfgar fit pour crocheter si vite sa lame et l’écarter de sa cible. Comment cet immense barbare fit-il pour se montrer agile au point de s’approcher sans souci de lui, à portée de son épée ? Comment fit-il pour le contourner à la perfection et passer son épais bras sous celui de Liam ? Conscient de son talent, le gnome eut d’autant plus de mal à saisir comment son astucieuse attaque s’était totalement retournée contre lui. La seule chose qui ne lui échappa pas fut qu’il se retrouva le visage brusquement plaqué contre le mur de pierre, les bras bloqués dans le dos et le souffle agressif du barbare dans le cou.

— Dame Méralda et l’enfant, demanda Wulfgar. Où sont-ils ?

— Plutôt mourir que te le dire ! répondit Liam.

Le barbare intensifia sa pression. Bien que persuadé que sa dernière heure était venue, le pauvre vieux gnome tint sa langue, grognant contre la douleur. Wulfgar le retourna et le plaqua brutalement contre la paroi, puis une seconde fois, quand le gnome eut repris son équilibre, ce qui cette fois l’envoya à terre. Liam manqua de peu de faire trébucher Morik, qui se précipita vers la deuxième porte et entra dans le château proprement dit.

Wulfgar lui emboîta aussitôt le pas. Ils perçurent alors des voix et Morik s’élança le premier, jusqu’à violemment ouvrir une double porte qui donnait sur un confortable salon.

— Seigneur Brandebourg ? s’étonna Priscilla, qui poussa un glapissement de terreur et se recroquevilla sur son fauteuil quand Wulfgar entra dans la pièce, derrière Morik.

— Où sont dame Méralda et l’enfant ? rugit-il.

— N’avez-vous pas causé assez de mal ? lui demanda Témigast, qui se leva courageusement devant le colosse.

— Si, beaucoup trop, reconnut ce dernier en regardant l’intendant droit dans les yeux. Mais pas ici.

Cette réflexion fit sursauter le vieil homme.

— Où sont-ils ? insista Wulfgar en se ruant sur Priscilla.

— Voleurs ! Assassins ! hurla celle-ci, sur le point de perdre connaissance.

Le barbare se tourna alors vers l’intendant et eut la surprise de le voir acquiescer et désigner l’escalier.

Priscilla Auck le devança et se précipita en courant vers les marches.

 

* * *

 

— Avez-vous la moindre idée de ce que vous m’avez fait ? demanda Féringal à Méralda, décalée au bord du lit, sa fillette allongée au chaud à côté d’elle. Pas seulement à moi mais à nous tous ? À Auckney ?

— Je vous supplie d’essayer de comprendre, seigneur, implora la jeune femme.

Féringal grimaça de douleur, les poings sur les yeux, puis, le visage figé, il se pencha et se saisit du nourrisson. Méralda tenta de s’y opposer mais ses forces la trahirent ; elle se laissa retomber sur le lit.

— Qu’allez-vous faire ? s’enquit-elle.

Féringal s’approcha de la fenêtre et en écarta le rideau.

— Ma sœur me conseille de jeter le bébé sur les rochers, dit-il, les dents serrées et les traits déformés. Afin de me débarrasser de la preuve de votre trahison…

— Je vous en prie, Féringal, ne…

— C’est ce que tout le monde dit, savez-vous ? l’interrompit son mari, comme si elle n’avait rien dit, avant de cligner des yeux et de s’essuyer le nez de la manche de sa tunique. L’enfant de Jaka Sculi.

— Seigneur ! s’écria-t-elle, ses yeux cernés de rouge exprimant toute sa frayeur.

— Comment avez-vous osé ? cria soudain Féringal, dont le regard passa du bébé qu’il portait à la fenêtre ouverte, ce qui fit hurler Méralda, tandis qu’il marmonnait pour lui-même, avançant encore. Cocu puis assassin… Vous m’avez détruit, Méralda !

Il tendit les bras, fit passer le bébé par l’ouverture, puis il baissa les yeux sur cette innocente fillette et la serra contre lui, ses larmes se mêlant à celles de l’enfant.

— Bon sang, je suis un misérable ! s’exclama-t-il, le souffle court et douloureux.

C’est alors que la porte de la chambre s’ouvrit à la volée et que dame Priscilla entra en trombe dans la pièce. Elle claqua aussitôt le battant et actionna le verrou derrière elle. Après un rapide coup d’œil à la scène, elle se précipita vers son frère.

— Donne-la-moi ! exigea-t-elle d’une voix stridente.

Le seigneur Féringal se tourna de profil, de façon à protéger derrière son épaule la fillette des mains tendues de Priscilla.

— Donne-la-moi ! cria de nouveau cette dernière.

S’ensuivit une lutte pour le bébé.

 

* * *

 

Wulfgar s’élança aussitôt à la poursuite de Priscilla et avala quatre à quatre les marches de l’escalier courbé. Il déboucha sur un long couloir dont les murs étaient couverts de riches tapisseries et où il percuta un autre garde inefficace du château. D’un geste, le barbare écarta l’épée du soldat étendu à terre, le saisit par la gorge et le souleva du sol.

Morik le doubla en courant et colla son oreille à plusieurs portes avant de s’immobiliser devant l’une d’elles.

— Ils sont ici, dit le voleur, qui actionna la poignée mais se rendit compte que la porte avait été fermée.

— La clé ? demanda Wulfgar en secouant le garde.

— Pas de clé, balbutia le soldat, haletant, une main sur le bras inflexible du géant.

Alors que celui-ci semblait sur le point d’étrangler le malheureux, son ami intervint, farfouillant dans ses poches :

— Pas la peine, je vais crocheter la serrure.

— Pas la peine, j’ai une clé, répliqua Wulfgar.

Morik leva la tête et vit son compagnon approcher, le garde toujours suspendu à bout de bras. Comprenant son intention, il se hâta de dégager le passage, juste à temps pour laisser Wulfgar projeter l’infortuné soldat à travers le panneau en bois.

— Une clé, répéta le colosse.

— Joli lancer, commenta Morik.

— J’ai de l’entraînement, expliqua Wulfgar, qui sauta par-dessus le garde étourdi et fit irruption dans la chambre.

Méralda était assise dans son lit, en train de sangloter, tandis que le seigneur et sa sœur se trouvaient près de la fenêtre ouverte, le bébé dans les bras de Féringal, penché vers l’extérieur, comme sur le point de lancer l’enfant. Tous trois prirent un air abasourdi quand Wulfgar fit son entrée, puis ils écarquillèrent davantage les yeux quand Morik survint à son tour.

— Seigneur Brandebourg ! s’écria Féringal.

— Fais-le tout de suite ! lui cria sa sœur. Avant qu’ils t’empêchent de…

— Cette enfant est à moi ! déclara Wulfgar.

Priscilla, stupéfaite, n’acheva pas sa phrase, tandis que Féringal semblait avoir été changé en pierre.

— Quoi ? hoqueta le jeune seigneur.

— Quoi ? hoqueta dame Priscilla.

— Quoi ? hoqueta Morik, au même moment.

— Quoi ? hoqueta Méralda, moins fort, avant de tousser pour dissimuler sa surprise.

— Cette enfant est à moi, répéta fermement Wulfgar. Si vous la lancez par la fenêtre, vous la suivrez si vite que vous la doublerez et votre corps brisé amortira sa chute.

— Tu sais parler quand il le faut, remarqua Morik, avant de poursuivre, s’adressant à Féringal. Cette fenêtre est certes étroite mais je parie que mon ami serait capable de vous y faire passer, ainsi que votre sœur grassouillette.

— Vous ne pouvez pas être le père, dit le seigneur, qui tremblait si violemment que ses jambes semblaient devoir céder d’un instant à l’autre.

À la recherche d’une réponse, il se tourna vers Priscilla, cette sœur toujours près de lui pour tout lui expliquer :

— Qu’est-ce que ça veut dire ?

— Donne-la-moi ! exigea Priscilla.

Profitant de l’embarras qui paralysait son frère, elle lui arracha le bébé des mains. Méralda poussa un cri, le bébé se mit à hurler et Wulfgar s’élança, bien que devinant qu’il interviendrait trop tard et que cet être innocent était perdu.

Alors que Priscilla se tournait vers la fenêtre, son frère bondit et la frappa en plein visage. Abasourdie, elle recula d’un pas en titubant. Féringal récupéra la fillette et poussa encore sa sœur, qui trébucha et chuta.

Wulfgar observa le seigneur un long moment et comprit, sans le moindre doute, que malgré sa colère et son dégoût évident, Féringal ne ferait pas de mal à l’enfant. Sûr de ses conclusions, le barbare traversa donc la pièce, certain que le jeune homme ne tenterait rien qui puisse nuire au bébé.

— Cette enfant est à moi, gronda-t-il. (Il tendit les bras et se saisit avec délicatesse du nourrisson qui pleurait, Féringal n’offrant aucune résistance, puis il se tourna vers Méralda.) Je comptais attendre encore un mois avant de revenir mais c’est une bonne chose que vous ayez accouché en avance. Un enfant ayant hérité de ma carrure vous aurait certainement tué en venant au monde à terme.

— Wulfgar, attention ! s’écria soudain Morik.

Le seigneur Féringal, qui avait manifestement retrouvé son sang-froid, ainsi que sa rage, avait dégainé une dague de sa ceinture et se jetait sur le barbare. Morik s’était inutilement inquiété car son ami avait remarqué ce mouvement. Après avoir élevé le bébé d’un bras afin de l’éloigner du danger, il se retourna et écarta la dague de sa main libre. Puis il assena un violent coup de genou sur l’entrejambe de Féringal. Le seigneur s’effondra et ne fut plus qu’un petit tas recroquevillé et vagissant sur le sol.

— Je pense que mon ami peut faire en sorte que vous n’ayez jamais d’enfants, fit remarquer Morik, avec un clin d’œil en direction de Méralda.

La jeune femme ne l’entendit même pas, sidérée par Wulfgar, qui venait de se prétendre le père de l’enfant.

— Je m’excuse sincèrement pour ce que j’ai commis sur la route, dame Méralda, dit le barbare. J’ai été victime de l’alcool et de votre beauté.

Il s’exprimait désormais devant beaucoup de monde, Liam Portenbois, l’intendant Témigast et une demi-douzaine de gardes s’étant massés à la porte, l’air ahuri et n’en croyant pas leurs yeux. Il reporta son attention sur la fillette et, un grand sourire aux lèvres, il la leva bien haut, de façon à bien la contempler de ses yeux bleus pétillants, avant d’ajouter :

— Mais jamais je ne m’excuserai pour le résultat de ce crime. Jamais.

— Je te tuerai, gronda le seigneur Féringal, qui, encore à genoux, luttait pour se relever.

Wulfgar l’attrapa d’une main par le col et le hissa brutalement, avant de le retourner et de l’agripper de façon agressive.

— Vous m’oublierez, comme vous oublierez l’enfant, lui murmura Wulfgar à l’oreille. Sans quoi les tribus unifiées du Valbise viendront vous détruire, vous et votre misérable petit village.

Le barbare repoussa le noble vers Morik, qui se tenait prêt. N’ayant pas oublié la présence de Liam et des autres soldats, il ne perdit pas un instant pour plaquer une dague à la lame affûtée sur la gorge du maître des lieux.

— Fournissez-nous des provisions pour la route, ordonna Wulfgar. Il nous faut des couvertures et de la nourriture pour le bébé. Vite !

Les personnes assistant à cette scène arboraient toutes une expression d’incrédulité, à l’exception de Wulfgar et de l’enfant. Quelque peu renfrogné, Morik se dirigea vers la porte, sans lâcher son otage, et intima d’un geste à Priscilla de s’écarter, ce qu’elle fit précipitamment.

— Allez chercher ce qu’on vous demande ! cria-t-il à Liam et Priscilla.

Il jeta un regard derrière lui et vit Wulfgar s’approcher de Méralda, aussi avança-t-il encore un peu plus afin de faire reculer tout le monde.

— Pourquoi avoir agi ainsi ? demanda Méralda, quand elle fut seule avec Wulfgar et le bébé.

— Votre problème n’a pas été difficile à deviner, répondit le barbare.

— Je vous ai accusé à tort.

— Cela peut se comprendre. Vous étiez piégée et terrifiée, mais, en fin de compte, vous avez tout risqué pour me libérer. Je ne pouvais pas ne pas vous récompenser pour cet acte généreux.

Méralda secoua la tête, trop accablée pour être en mesure de réfléchir à cette situation. Tant de pensées et d’émotions tourbillonnaient dans son esprit. Elle avait remarqué le désespoir peint sur le visage de Féringal et avait vraiment cru qu’il lancerait l’enfant sur les rochers. Pourtant, il n’en avait finalement pas été capable, pas plus qu’il n’avait laissé sa sœur commettre cette atrocité. Elle aimait cet homme – comment ne l’aurait-elle pas aimé ? – et, malgré cela, elle ne pouvait nier les sentiments inattendus qu’elle éprouvait pour son enfant, bien que sachant que jamais, au grand jamais, elle ne pourrait la garder auprès d’elle.

— J’emporte le bébé loin d’ici, dit avec détermination Wulfgar, comme s’il avait lu dans les pensées de la jeune femme. Vous êtes la bienvenue si vous souhaitez vous joindre à nous.

Méralda eut un petit rire sans joie, devinant que le temps des pleurs approchait.

— Je ne peux pas, dit-elle, d’une voix réduite à un murmure. Mon devoir est de rester auprès de mon époux, s’il veut toujours de moi, et de ma famille. Mes parents seraient montrés du doigt pour toujours si je vous suivais.

— Le devoir ? s’étonna Wulfgar, qui soupçonnait une autre raison. Est-ce uniquement pour cela que vous voulez rester ici ?

— Je l’aime, vous savez, répondit Méralda, son superbe visage strié de larmes. Je sais ce que vous devez penser de moi mais, sincèrement, ce bébé a été conçu avant que je…

— Vous ne me devez aucune explication, l’interrompit Wulfgar, une main levée. Je ne suis pas bien placé pour vous juger, ni vous ni personne d’autre. J’ai fini par comprendre votre… problème et je suis revenu pour vous rendre votre générosité, tout simplement. (Il se tourna vers la porte, au-delà de laquelle Morik maintenait toujours le seigneur Féringal.) Il vous aime vraiment. Son regard et l’intensité de sa douleur le montrent clairement.

— Vous pensez que j’ai raison de rester ?

Wulfgar haussa les épaules, se refusant de nouveau à porter un quelconque jugement.

— Je ne peux pas abandonner mon mari, poursuivit-elle, avant de tendrement caresser le visage de l’enfant. Mais je ne peux pas la garder ; Féringal ne l’accepterait jamais. (Sa voix se fit triste, alors qu’elle prenait conscience qu’elle allait bientôt être séparée de sa fille, puis elle poursuivit en chuchotant.) Peut-être pourrais-je la confier à une famille d’Auckney, maintenant qu’il pense que je ne l’ai pas trahi.

— Cela entretiendrait tout de même sa douleur, et vous votre mensonge, lui dit avec douceur Wulfgar, sans accuser la jeune femme, simplement afin de lui rappeler la vérité. Sans compter que le bébé resterait dans ce cas à portée de main de son épouvantable sœur.

Méralda baissa les yeux et dut bien accepter l’amère réalité : le bébé ne serait pas en sécurité à Auckney.

— Qui est mieux indiqué que moi pour l’élever ? proposa soudain sur un ton déterminé le barbare, le regard posé sur la fillette et un sourire chaleureux aux lèvres.

— Vous feriez ça ?

— Avec joie.

— Vous vous occuperiez d’elle ? Vous lui parleriez de sa mère ?

Wulfgar acquiesça.

— Je ne sais pas où me mènera ma route mais je ne m’éloignerai sans doute pas trop d’ici. Peut-être un jour reviendrai-je, ou c’est elle qui reviendra, pour voir sa mère.

Alors que Méralda était secouée de sanglots, le visage brillant de larmes, Wulfgar se retourna vers la porte afin de s’assurer que personne ne le regardait, puis il se pencha et embrassa la jeune femme sur la joue.

— Je pense que c’est la meilleure solution, dit-il à voix basse. Êtes-vous d’accord ?

Après avoir un moment observé ce géant, cet homme qui avait tout risqué pour les sauver, son enfant et elle, alors qu’ils n’avaient rien fait pour le mériter, Méralda hocha la tête.

Tandis que les larmes continuaient à couler, Wulfgar, qui comprenait la douleur que ressentait Méralda, ainsi que l’intensité de son sacrifice, se pencha afin de lui permettre de caresser et d’embrasser sa fille une dernière fois, avant de reculer quand elle fit mine de la prendre avec elle. Méralda lui adressa un sourire où la compréhension le disputait à l’amertume.

— Adieu, ma petite, dit-elle entre deux sanglots en détournant le regard.

Wulfgar s’inclina une dernière fois devant Méralda, puis, le bébé blotti dans ses bras massifs, il fit demi-tour et sortit de la chambre.

Il retrouva dans le couloir Morik, qui aboyait des ordres afin qu’on lui apporte quantité de nourriture et de vêtements – ainsi que de l’or, car il leur en faudrait beaucoup pour offrir à l’enfant des nuits dans des auberges chaudes et confortables. Le barbare, le bébé et le voleur traversèrent le château sans que quiconque fasse un geste pour les arrêter. Le seigneur Féringal avait visiblement donné l’ordre de les laisser passer, souhaitant voir ces deux bandits et cette bâtarde quitter son domaine et sa vie le plus rapidement possible.

Il en alla toutefois autrement avec Priscilla. Ils tombèrent sur elle au rez-de-chaussée, où elle se précipita sur Wulfgar et tenta de s’emparer du bébé, sans cesser une seconde de défier du regard le barbare. Ce dernier la maintint à distance, avec un air qui disait clairement qu’il la briserait en deux si elle essayait de faire du mal à l’enfant. Priscilla poussa un soupir de dégoût, jeta un épais châle en laine dans sa direction et, après un dernier grognement de protestation, repartit par où elle était arrivée.

— Stupide vache, marmonna Morik dans sa barbe.

Tout en gloussant, Wulfgar enveloppa avec affection la fillette dans la couverture chaude, ce qui la fit enfin cesser de pleurer. À l’extérieur, le jour déclinait rapidement, cependant la tempête de neige s’était calmée ; les derniers nuages se disloquaient et filaient dans le ciel, poussés par les vents. La porte était ouverte et de l’autre côté de la passerelle attendaient l’intendant Témigast, avec deux chevaux, et Féringal.

Le seigneur resta un long moment à considérer Wulfgar et le bébé avant de prendre la parole :

— Si jamais tu reviens…, commença-t-il.

— Pourquoi le ferais-je ? l’interrompit le barbare. J’ai récupéré mon enfant, qui grandira et deviendra reine au Valbise. Ne songez pas à me retrouver, seigneur Féringal, sans quoi vous risqueriez de provoquer la destruction de votre monde.

— Pourquoi le ferais-je ? rétorqua à son tour le jeune noble, sur le même ton sinistre et tenant audacieusement tête au colosse. J’ai ma femme, ma somptueuse femme. Mon innocente femme, qui s’offre à moi de son plein gré. Je n’ai pas à la forcer, moi.

Cette dernière phrase, où se devinait le retour d’un certain orgueil masculin, fit comprendre à Wulfgar que Féringal avait pardonné à Méralda, ou que cela ne tarderait guère. Le plan désespéré, inconsidéré et totalement improvisé de Wulfgar avait en fin de compte miraculeusement fonctionné. Il réprima un petit rire en songeant au ridicule de cette histoire et laissa Féringal savourer cette maigre victoire. Il ne cilla même pas quand le seigneur d’Auckney se calma et, les épaules redressées, retraversa le pont et franchit la grande porte pour retrouver son foyer et sa femme.

— Elle n’est pas de vous, dit de façon inattendue à Wulfgar Témigast, alors qu’il tendait les rênes des bêtes aux deux compagnons.

Le barbare fit mine de ne pas l’entendre et entreprit de s’installer avec le bébé sur un cheval.

— N’ayez crainte, poursuivit l’intendant. Je ne dirai rien, et Méralda non plus, car vous lui avez véritablement sauvé la vie aujourd’hui. Vous êtes quelqu’un de bien, Wulfgar, fils de Beornegar, de la tribu de l’Élan du Valbise.

Stupéfait, Wulfgar cligna des paupières, aussi surpris par ce compliment que par le simple fait de voir cet homme en savoir tant sur lui.

— C’est le magicien qui t’a capturé qui lui a dit, déduisit Morik. Je hais les magiciens…

— Vous ne serez pas poursuivis, je vous en donne ma parole, dit Témigast.

Cette promesse fut tenue ; Morik et Wulfgar chevauchèrent sans incident jusqu’à leur abri, où ils récupérèrent leurs propres chevaux avant de poursuivre leur route vers l’est et quitter Auckney pour de bon.

— Qu’y a-t-il ? demanda Wulfgar à Morik un peu plus tard, ce soir-là, quand il vit l’expression amusée du voleur.

Ils étaient blottis devant un bon feu qui maintenait le bébé au chaud. Morik sourit et brandit deux bouteilles, l’une remplie de lait de chèvre tiède et l’autre de leur alcool préféré. Wulfgar s’empara de la bouteille de lait.

— Je ne te comprendrai jamais, mon ami, dit Morik.

Wulfgar sourit mais ne répondit rien ; son compagnon ne pourrait jamais véritablement saisir son passé, les bons moments passés aux côtés de Drizzt et de ses amis comme les autres, dont les pires, ses années de souffrance chez Errtu, la progéniture conçue avec sa semence dérobée…

— Il y a des façons plus faciles de gagner de l’or, fit remarquer Morik, ce qui lui valut un regard bleu acier de la part de son ami. Tu comptes vendre l’enfant, bien entendu, non ?

Wulfgar pouffa.

— Tu en tireras un bon prix, insista Morik, qui avala une bonne gorgée d’alcool.

— Ce ne sera jamais assez, répondit Wulfgar en se tournant vers la fillette, qui se tortillait et gazouillait.

— Tu ne peux quand même pas la garder ! Elle n’a pas sa place avec nous, ni même seulement avec toi, où que tu aies prévu d’aller. As-tu perdu tout ton bon sens ?

La mine renfrognée, Wulfgar se tourna vers le voleur, lui arracha la bouteille des mains et le poussa au point de le faire tomber par terre, ce qui constituait une réponse parmi les plus déterminées jamais reçues par Morik le Rogue.

— Ce n’est même pas ta fille ! lui rappela ce dernier.

Il n’aurait pas pu se tromper plus lourdement.

L'Épine Dorsale du Monde
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